Pour ou contre? L'art de prendre position.

    Que ce soit dans un cours de philo, dans un comité d'éthique ou dans la vie de tous les jours, nous sommes constamment confrontés à des situations problématiques où il faut évaluer les pour et les contre afin de prendre des choix. Généralement, lorsqu'on doit prendre une décision ayant des répercussions sérieuses sur notre vie, on calcule à partir des différentes variantes disponibles dans les limites de nos connaissances. Un bon choix résulte normalement d'un bon calcul. Par exemple, il est fort possible que votre choix de programme collégial ou même universitaire résulte d'une telle procédure : « Dois-je déménager, me trouver un coloc, m'acheter un frigo? Comment se portent mes finances, puis-je me permettre de faire un deuxième DEC? Etc. ».

 

Toutefois, lorsque vint le temps de confronter des concepts philosophiques et de prendre position, comment est-il possible de s'en tirer? L’opération est-elle la même que dans une situation où je dois décider si je mange une pizza au bacon ou un ghetto-ramen? Voici mes conseils.

 

  • Le point de départ

     Premièrement, il faut cibler l'enjeu de départ. De quoi est-il réellement question? Avons-nous affaire à un problème d'ordre éthique où des vies sont en jeu, ou bien à un problème d'ordre théorique? Une fois la nature du problème ciblé, il est déjà possible d'ajuster l'orientation avec laquelle nous allons jongler. Ensuite, il faut cibler le thème. Parle-t-on du même concept chez les deux auteurs? Avons-nous vraiment la même idée du côté de chaque auteur? Cette question est très importante, car il devient difficile de comparer deux auteurs si l'un d'eux parle de pitié et que l'autre parle du beau temps. Il faut donc savoir repérer, que ce soit dans un texte, un film ou une action concrète, ce qui relève du même concept. Autrement dit, il faut cibler chez deux auteurs ce qui concerne le point départ que l'on a choisi (ou qui est imposé).

 

  • Résumer les points de vue

    Deuxièmement, il faut résumer séparément les propos des auteurs. La meilleure façon est de s'attarder à un auteur puis au deuxième, à tour de rôle. On laisse ainsi la comparaison des idées pour plus tard. Une étape à la fois. L'idée ici est de cibler les concepts clés proposés par les auteurs. Je vous suggère de commencer par simplement inscrire dans la marge du texte (et ensuite sur une feuille à part) des mots clefs et des abréviations (ou des symboles que vous connaissez et utilisez).

 

Après, il suffit de mettre dans vos mots l'ensemble des concepts que vous aurez extrait du texte. Cependant, je vous invite à utiliser les mots des auteurs en résumant dans vos mots. Il ne faut pas essayer que de trouver des synonymes pour les idées principales. Si l'auteur parle de raison, de violence, ou de transgression, il faut utiliser ses mots. Sinon, vous risquez de vous y perdre et de vous casser la tête inutilement. Mettre dans vos propres mots signifie donc qu'il faut utiliser le vocabulaire de l'auteur à votre manière dans des phrases qui vous appartiennent. Lorsqu'il est difficile de résumer une phrase, l'utilisation de la citation en guillemet peut s'avérer utile.

 

Finalement, il faut s'en tenir à l'essentiel et s'adapter au besoin. Les éléments superflus d'un texte philosophique (et il y en a souvent!) sont utiles lorsqu'on doit écrire un plus gros résumé par exemple. Dans une petite analyse, les exemples détaillés ne sont pas toujours nécessaires. Sans oublier que les jugements de valeur n'ont pas leur place ici. Il faut être objectif.

 

  • Confronter/comparer les idées

    Troisièmement, il vient le temps de confronter, de comparer les idées. Ici, le travail est simple : il faut soulever les similitudes et les différences entre les deux auteurs, entre les deux positions. Dans un cas plus complexe, il faut chercher dans les nuances et dans les exemples qui sont donnés. En apparence, deux auteurs peuvent sembler être du même avis sur une question, mais en creusant un peu plus, il ne serait pas surprenant de découvrir des différences majeures. L'idée est donc de rassembler d'un côté ce qui se ressemble et d'un autre ce qui se distingue. Je le précise, ici le travail est encore d'ordre objectif. On évite tout jugement personnel. Cette étape est d'ailleurs cruciale pour prendre position. Parlant de position, nous y sommes.

 

  • Prendre position

    La quatrième et dernière étape est celle de prendre position. C'est ici qu'il faut choisir les pour et les contre d'une ou plusieurs idées. On se demande alors si nous sommes en accord ou en désaccord avec telle ou telle position. Pour quoi ne pas prendre les meilleurs éléments de chaque position analysée? En effet, il est possible, voire réaliste, de maximiser ce qu'on considère de bon dans une idée pour en faire une position personnelle optimale. Deux positions peuvent paraître opposées, mais la vie étant ce qu'elle est (c'est-à-dire paradoxale), il est possible de construire une position à partir de ce qui nous plaît.

 

Vous l'aurez compris, le travail devient ici subjectif et non objectif. Toutefois, cela n'exclut pas qu'il faille toujours avoir des arguments. Des arguments du type « ma préférence est la suivante parce que je trouve cet auteur imbécile » ne fonctionnent pas. En fait, oui c'est tout à fait légitime de penser cela, mais ce n'est pas constructif. Il faut expliquer pourquoi cet auteur est imbécile. Il faut laisser de côté la facilité pour la réflexion. Tel est le but de la prise de position, non? Par exemple, je peux trouver imbécile le philosophe Descartes, mais mon opinion doit être construite à partir de son argument de la validité de Dieu que je trouve incroyablement faible et naïvement facile.

 

Par ailleurs, vous noterez qu'après votre prise de position, votre vision du questionnement de départ aura possiblement changé (ou pas) en bien ou en mal. Cela aura pour effet de transformer votre perception d'une situation. Dans le cas où une vie humaine est en jeu, vous aurez peut-être même trouvé une meilleure solution.

 

 

 

Voilà pour mes conseils. J'espère qu'ils vous seront utiles. Je ne serai pas surpris qu'à la fin de l'exercice, vous réalisiez sans aucun doute que rien n’est ni blanc, ni noir. Qu'en morale, il n'a jamais rien de clair (mais qu'il faut faire des choix si on veut avancer)! C'est d'ailleurs ce que semble expliquer Ruwen Ogien dans son livre L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine et autres conditions de philosophie morale expérimentale.

 


Alors, pour ou contre ces conseils?

 

À bientôt!


H.

 

 

 

 

 

 

 

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